Beaucoup de Maçons peu expérimentés ou fraîchement entrés dans l’Ordre maçonnique semblent troublés, voire perturbés, lorsqu’ils visitent d’autres Loges, par ce qui leur paraît, de prime abord, constituer des différences considérables entre les rituels qu’ils connaissent et ceux dont ils font la découverte, s’étant imaginé sans doute que toutes les Loges maçonniques du monde pratiquaient les mêmes rituels que leur Loge-mère. Ils prennent très vite la mesure de leur erreur mais ils ne savent pas d’emblée qu’il ne convient pas d’évaluer les pratiques rituelles d’autrui à l’aune de celles qui caractérisent leur environnement maçonnique propre et qu’il est véritablement aberrant de porter des jugements de valeur sur la base de leur expérience personnelle.
Non seulement seront-ils amenés à découvrir, au fil du temps, ce qui distingue les Rites en tant que « systèmes » ou « régimes » mais encore relèveront-ils l’ampleur de l’éventail des variantes au sein d’un même Rite.
Nous ignorons pratiquement tout des rituels maçonniques pratiqués à l’aube de ce que nous appelons la « Maçonnerie spéculative ». Sans doute parce qu’il était d’usage de les mémoriser pour éviter d’en laisser des traces écrites. En revanche, nous pouvons imaginer, sur la base des textes les plus anciens qui nous sont parvenus, qu’ils étaient plus catéchétiques, sensiblement plus courts et moins « dramatisés » que ceux qui ont fait l’objet des premiers « régulateurs » d’où sont issus les rituels en usage actuellement.
Que les Rites anglais ignorent le cabinet de réflexion et les épreuves par les éléments, que le Rite Français Groussier se caractérise par un dépouillement exemplaire, que le Rite Écossais Rectifié soit profondément ancré dans les références chrétiennes comme le Rite de Memphis-Misraïm l’est dans la symbolique égyptienne, tout cela ne peut que susciter l’étonnement du jeune Maçon habitué au Rite Écossais Ancien et Accepté. Son questionnement s’amplifiera lorsqu’il prendra connaissance des innombrables variantes issues des Rites de Schroeder, de Fessler, ou de Ruchon, des emprunts au Rite Écossais Rectifié ou au Rite Français ou des apports qui proviennent d’aménagements plus « locaux » dus à des ajouts, des suppressions, des retouches d’écriture. Les variantes rituelles à l’intérieur d’un même Rite, aussi importantes qu’elles puissent paraître à première vue à la faveur de le fréquentation des Loges, ne témoignent en fait que d’une diversité d’« habillages » qui, comme le terme l’indique, se rapportent à la seule superficie des choses.
Les « enjolivements » particuliers que sont les variantes d’un même Rite aussi bien que les caractères spécifiques des Rites eux-mêmes en tant qu’ensembles cohérents et relativement homogènes de rituels, ne devraient pas troubler les nouveau venus dans l’Ordre maçonnique. Correctement guidés par leurs aînés, ils comprendront que les Rites se présentent comme des véhicules particuliers d’une même Tradition à l’instar des rayons d’un cercle qui convergent vers un centre commun et que la diversité apparente et nécessaire constitue un facteur de pérennité par son adaptabilité à l’espace et au temps.